TTIP et enjeux agricoles par Yann NEDELEC, IV 2016
Monsieur Yann NEDELEC, responsable du service économique et international - Jeunes agriculteurs, parti en 2016 dans le cadre d'un programme sur les négociations du partenariat transatlantique sur le commerce. Ce sera également l’occasion d’échanger avec vous, les anciens participants au programme, sur la base de questions-réponses.
Compte-rendu – petit déjeuner du cercle Jefferson du 16 mars 2016
Yann NEDELEC est Responsable du service économique et international de Jeunes Agriculteurs (JA) au sein de la structure nationale, rue de la Boétie à Paris dans le 8ème. Syndicat professionnel agricole créé en 1957, JA regroupe les responsables professionnels, agriculteurs âgés de moins de 35 ans. Il compte plus de 50 000 adhérents sur quelque 100 000 agriculteurs de moins de 35 ans. Union de syndicats régionaux à vocation générale (c’est-à-dire non spécialisé sur un secteur de production), JA est organisé sur la base d’un regroupement géographique des adhérents ; il représente toutes les régions agricoles et tous les secteurs de production agricole de France. Agé de 31 ans, Yann est diplômé de l’école nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires (ENSAIA) de Nancy – promotion 2009. Il a rejoint JA en 2009 où il est d’abord intervenu comme conseiller productions animales au sein du service économique avant de prendre ses responsabilités actuelles en 2012. Il a participé au programme IVLP (International visitors leadership program) aux Etats-Unis du 25 janvier au 14 février 2016 sur le thème « TTIP et développement économique » (avec un focus particulier sur l’agriculture). Au cours de sa visite, il s’est rendu à Washington DC., Austin TX, Des Moines IA, Seattle WA.
Washington DC :
L’étape à Washington a permis de rencontrer les fonctionnaires des ministères de l’agriculture (USDA) et du commerce (USTR), du Congrès, des conseillers des syndicats et d’ONG.
Cette première séquence, au-delà de permettre de comprendre les différents rouages de la démocratie américaine, notamment dans le cadre d’une négociation commerciale, a permis d’observer un volontarisme quasi unanime parmi les acteurs rencontrés pour la conclusion des négociations transatlantiques. Les divers rendez-vous ont montré que les autorités américaines ne semblaient pas prêtes à dévier de leur position en matière de reconnaissance des IGP européennes (indications géographiques protégées) ou d’hormones de croissance par exemple. De même, la politique vis-à-vis des OGM de l’UE a été régulièrement montrée du doigt, pour son inefficacité par nos interlocuteurs.
Dans nos différents rendez-vous, il n’est pas ressorti de secteurs agricoles pour lesquels les Etats-Unis seraient en position défensive, y compris sur le lait. L’agriculture est clairement une priorité dans ces négociations, côté américain.
Austin, TX :
Les cinq jours au Texas ont permis d’approfondir nos connaissances sur les filières bovines, viande et lait, aussi bien en matière d’organisation économique (promotion, contractualisation) qu’en matière de positionnement vis-à-vis du TTIP.
Parmi les visites marquantes, on retiendra la rencontre avec l’association des ranchers indépendants du Texas à Lockart, centrée sur les relations entre les différents maillons de la filière et la problématique du renouvellement des générations et des responsables syndicaux. Des problématiques très proches de celles rencontrées en Europe.
D’autres visites, axées sur des projets plus alternatifs (poules pondeuses en plein air, production de viande bovine bio) ont complété utilement la vision que l’on peut se faire des filières animales aux Etats-Unis, à travers des choix guidés par les consommateurs ou des ONG (privatisation des systèmes de certification).
Des Moines, IA :
L’étape dans les grandes plaines américaines a été très riche : des dirigeants d’entreprises semencières aux ONG « anti-OGM » en passant par des agroéconomistes, des agriculteurs, des sénateurs ou des représentants, elles ont offert un panorama très complet sur l’agriculture dans l’Iowa. L’Iowa est le premier Etat américain producteur de porc, de maïs et de soja et si ces deux dernières filières ne voient pas un intérêt direct dans le TTIP, il est indéniable que si celui-ci abouti en faveur de la filière bovine américaine, elles y trouveront un intérêt important avec une augmentation considérable des débouchés auprès des engraisseurs américains.
Au-delà de la question des OGM qui, on a pu s’en rendre compte, fait aussi débat dans un Etat leader en la matière, les rendez-vous dans l’Iowa, notamment avec le département de l’agriculture nous auront permis d’approfondir aussi les questions environnementales et sociétales : conflit dans la gestion des ressources en eau, accompagnement des agriculteurs dans la mise en place de nouvelles pratiques, agriculture urbaine et rapprochement avec le citoyen.
La question de l’installation des jeunes a également été au cœur de la visite d’une exploitation céréalière avec un atelier d’engraissement de bovins où le fils est pour l’instant encore salarié de l’exploitation détenue par son père. Le coût de reprise est l’un des principaux facteurs limitants.
Seattle, WA :
Le voyage s’est conclu à Seattle, ville tournée vers le commerce international par excellence (environ 40 % des emplois de la ville dépendent de cette activité). Le TTIP n’est cependant pas leur priorité : la proximité avec l’Asie les pousse logiquement à plaider d’abord pour une ratification rapide de l’accord Trans-pacifique. La filière viticole a été particulièrement étudiée pendant cette étape, l’Etat de Washington étant le deuxième producteur de vin aux Etats-Unis après la Californie.
Conclusion :
Les agriculteurs américains, leurs représentants et les administrations en charge du secteur ont clairement conscience de leurs avantages compétitifs dans le cadre d’un accord commercial avec l’Union Européenne. Même sur les filières où leurs intérêts seraient à première vue défensif comme le lait, les acteurs rencontrés ont montré une détermination à faire progresser leurs exportations vers l’UE. Sur les questions ayant trait aux préférences collectives européennes comme les hormones, si les autorités déroulent un discours très figé, les acteurs économiques, notamment agriculteurs, reconnaissent qu’il y très peu de chance que l’Europe bouge sur ces sujets. Ils n’en sont pas moins encore plus volontaires pour mettre en place des filières dédiées si les contingents de viande « hormones free » vers l’Europe venaient à augmenter…
Pour résumer, il est évident que l’agriculture européenne, face à cette détermination, a plutôt du souci à se faire. Cependant la stratégie offensive et volontariste américaine devrait aussi inspirer le secteur agricole européen pour promouvoir ses atouts auprès des consommateurs américains en matière d’environnement, de territoires et de qualité, etc. Un tel voyage fait aussi tombé quelques clichés sur l’alimentation des américains : s’il est vrai que les contraintes environnementales ou sur le bien-être animal, au niveau fédéral, sont moindres, les ONG et les consommateurs provoquent la construction entière de filières labélisées, dans lesquelles les agriculteurs y trouvent aussi leur compte. C’est peut-être à ces attentes que l’Europe pourrait être à même de répondre, mais a-t-elle vraiment besoin du TTIP pour le faire ?
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