Gouvernances aux Etats-Unis par Ilham Montacer, IV 2012
15 mai 2013 – Ilham MONTACER, Directrice de projets, Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, Services du Premier ministre, IVLP 2012
Ilham MONTACER a travaillé durant près de cinq ans au ministère des finances (branche industrie) aux affaires européennes dans le domaine des NTIC, puis six ans au sein du corps préfectoral (secrétaire générale adjointe de la préfecture des Bouches-du-Rhône puis directrice de cabinet du préfet de région en Basse-Normandie). A cette occasion, elle a notamment participé à l’organisation de la visite du président Obama à Caen et sur les plages du débarquement ainsi qu’aux G3 et G8 à Deauville.
Depuis deux ans environ, elle est directrice de projets au SGMAP (Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique, qui relève du Premier Ministre). Son rôle consiste à accompagner les ministères et les services déconcentrés de l’Etat à améliorer la relation de service avec les usagers (particuliers, entreprises…) dans les domaines de la simplification, d’organisation et de réglementation.
Son voyage individuel s’est déroulé du 18 août au 8 septembre 2012. Son programme IV l’a emmené à Washington DC, Pittsburg (Pennsylvanie), Portland (Oregon), Kansas City (Missouri) et Chicago (Illinois). Les principales thématiques ont concerné :
- le système politique de gouvernance (Washington DC),
- la politique américaine de développement et d’incitation en matière de commerce extérieur et d’investissement à l’étranger,
- la politique de réindustrialisation/énergie (gaz de schiste),
- l’intégration des minorités (économique, sociale et scolaire),
- la sécurité (Kansas city).
> Washington DC
Comme de coutume, la première étape a été une entrée en matière autour du système politique américain, de la répartition des rôles entre Etat fédéral et Etats fédérés.
La question des exportations a été abordée à plusieurs reprises. Seules 1% des entreprises américaines exportent, le free trade n’est donc pas perçu comme un sujet pour les Américains. Néanmoins, cet état d’esprit commence à évoluer, tout du moins au niveau du gouvernement. Ainsi, le Département du commerce a développé un programme (Direct Line Programme) pour inciter les ambassadeurs américains en poste à l’étranger à aider les PME/PMI à se développer en Europe, en Chine et au Moyen-Orient/Maghreb. Parmi les pays sensibles figure la Chine notamment en raison de sa politique de dumping dans l’industrie de l’acier, réelle menace pour les Etats-Unis. Autre secteur sensible celui pharmaceutique.
Ilham a rappelé certaines données peu connues en France comme le fait qu’un quart de la production est américaine en Lybie ou qu’il existe 50 000 groupes de pression principalement basés à Washington DC.
> Pittsburg (Pennsylvanie)
L’enjeu de la réindustrialisation a été au cœur des rencontres à Pittsburg, notamment autour du gaz de schiste.
Pittsburg est une ville moderne qui a indéniablement tiré parti de la réindustrialisation et des projets de réaménagement urbain qui se sont développés.
La ville, et plus généralement l’Etat de Pennsylvanie, bénéficie de l’essor fulgurant du gaz de schiste. Le secteur énergétique est désormais le 3ème employeur de l’Etat après les services gouvernementaux et l’industrie de pointe.
L’une des particularités est que les entreprises ne payent pas de taxes dans ce secteur et des pressions se font jour pour inverser cette situation. Le développement économique est donc clairement mis en avant et assumé par les pouvoirs publics dans un des Etats les plus industrialisés des Etats-Unis, au détriment d’une réflexion à moyen/long terme sur l’impact environnemental et sanitaire. Le gaz de schiste n’a d’ailleurs pas été un sujet de débat entre les candidats à la dernière élection présidentielle.
Ilham a longuement exposé ce paradoxe et l’ambivalence qui existe à ce sujet. D’un côté, la création de 150 000 emplois dans un Etat faisant face à un déclin industriel, de l’autre une certaine omerta qui aboutit à une insuffisante prise de conscience des problèmes.
L’une des rares associations à faire pression est la Clean Water Action, qui compte 1,3 million de membres dont 150 000 en Pennsylvanie. Le gaz de schiste est devenu un sujet depuis 2008 avec le développement de cas de cancers. Pourtant, les associations se heurtent à une véritable difficulté pour quantifier le phénomène. Il n’existe pas de chiffres fiables, mais seulement des témoignages sur les conséquences déjà à l’œuvre du gaz de schiste qui ont été réunies dans un livre publiée par l’association.
L’une des raisons se trouve dans le fait que les hôpitaux et les universités rechignent à communiquer ouvertement les données, car ils sont en partie financés par des entreprises impliquées dans ce secteur et craignent donc une coupe brutale des financements en cas de coopération avec le milieu associatif.
Par ailleurs, il existe un vide juridique en matière de législation de l’eau (l’eau est devenu 6 fois plus salée que l’eau de mer avec des problèmes de traitement du chlore dit Trihalomethale qui est cancérigène) et l’industrie rechigne à investir en matière de recherche.
Le système de vote est un autre sujet concernant cet Etat. Pour mémoire, la Pennsylvanie se définit comme un swing state, c’est-à-dire un Etat qui peut aussi bien basculer dans le camp républicain que démocrate, et qui est donc très convoité lors de chaque élection présidentielle. Sur 6 millions de votants, près d’un million ne possède pas de carte d’identité. Or, une nouvelle loi impose une identification des votants dans un pays où la population (notamment les pauvres, les minorités et les personnes âgées) ne dispose pas de ce document. Cette loi est supposée lutter contre la fraude alors que sur les 11 dernières années, seuls 10 cas de fraude ont été relevés soit un taux de 0,000004%. L’enjeu était donc d’importance et a fait l’objet d’un affrontement entre partisans et opposants à la loi, à l’image de l’American Civil Liberties Union (ACLU). Pour l’ACLU, cette loi vise clairement à servir le camp républicain en prétextant la lutte contre la fraude pour empêcher les populations « plus enclines à voter démocrates » à le faire.
Cet exemple est une autre illustration du système américain. Il n’existe pas de réglementation harmonisée à l’échelle nationale. Chaque Etat dispose de sa propre réglementation en la matière.
> Portland (Oregon), Chicago (Illinois)
La question de l’intégration sociale a été abordée autour des associations militant pour plus d’intégration sociale autour de la thématique de la neighbourhood policy ou program. Comment développer des politiques pour le mieux vivre ensemble.
Ilham a pu observer que ces initiatives étaient efficaces, car elle s’appuyait sur une véritable coordination entre les associations et les pouvoirs publics évitant ainsi les doublons.
Cette politique est d’ailleurs promue dans plusieurs Etats pour chercher notamment à installer une solidarité réciproque, à l’image de la Muslim Educational Trust à Portland militant pour davantage d’échanges culturels et cultuels. On peut aussi prendre l’exemple de l’Albany Park Community Center à Chicago qui permet l’accueil de plus de 100 nationalités différentes dans les programmes d’éducation s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux parents qui viennent d’émigrer aux Etats-Unis. Ces initiatives cherchent, au-delà du cadre éducatif, à assurer une meilleure insertion et intégration au sein des quartiers et de la population locale.
> Kansas City (Missouri)
L’étape à Kansas City a permis de faire une rencontre étonnante. Un ancien chef Le Nôtre parti aux Etats-Unis et qui est aujourd’hui l’un des rares policiers français aux Etats-Unis !
Les échanges ont fait ressortir les approches différentes existant en matière sécurité entre nos deux pays : la façon de gérer la relation avec la population, l’idée d’être au service de la population, etc.
La ville, précurseur en matière de formation de ses policiers, développe par exemple un projet assez novateur et inexistant en France en créant un centre pour comprendre les maladies mentales, le CIT.
Expérience riche et passionnante sont, comme toujours pour qualifier ce voyage, les qualificatifs qui reviennent le plus souvent. Certains échanges ont été l’occasion pour Ilham de confronter certaines visions et politiques mises en place de part et d’autre de l’Atlantique. Sans verser dans l’angélisme, les pouvoir publics français pourraient s’inspirer de certaines pratiques innovantes conduites en matière d’intégration. Etat paradoxal, les Etats-Unis donnent le sentiment d’être avancés sur certains sujets sociétaux (comme les pratiques innovantes en matière de sécurité, les neighborhood initiatives, la liberté d’entreprendre avec des appuis de la part d’associations et des pouvoirs publics…) et nettement moins sur d’autres (contrôle des armes à feu, absence de règlementation nationale harmonisée dans le domaine de la protection de l’environnement ou du système électoral).
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