New York après le 11 Septembre 2001
New York après le 11 septembre 2001 :
Le récit d’une résilience urbaine et d’un renouveau urbanistique
New York, capitale économique des Etats-Unis et figure emblématique du capitalisme globalisé grâce à la prééminence de Wall Street sur les marchés financiers a été touchée par un effroyable attentat terroriste le 11 septembre 2001qui a fait 2.752 victimes. Cet attentat également dénommé nine eleven a détruit le World Trade Center (WTC) localisé dans le Lower Manhattan le long du fleuve Hudson et a transformé une vaste zone urbaine en un construction site intitulé ground zero . Selon les experts nine eleven a entraîné la disparition et/ou la délocalisation de plus de 65.000 emplois et le déplacement de 20.000 résidants[1]. Mais à présent soit 10 ans plus tard, le taux de vacance de bureaux dans le Lower Manhattan est un des plus bas pour les villes américaines, le nombre d’employés s’élève à 309.500 personnes et le nombre d’habitants a plus que doublé atteignant ainsi 56.000 personnes. Le revenu médian des ménages habitant Lower Manhattan est de l’ordre de 143.000 dollars/an, un chiffre nettement plus élevé que celui des habitants de Manhattan qui s’élève à 69.000 dollars par an. Si la majorité des emplois de ce quartier relèvent de la catégorie « services financiers », ce qui s’explique en raison de la proximité de Wall Street, on observe ces dernières années l’émergence et la croissance d’emplois dans l’industrie créative, un secteur intégrant une partie de la création artistique. Au cours de l’année 2010, plus de 10 millions de touristes se sont rendus sur le site historique de ground zero et un grand nombre d’entre eux ont choisi de loger dans un hôtel du quartier. Ce déplacement de l’attractivité touristique a fait que le nombre de nuits passées dans les hôtels de Lower Manhattant a été multiplié par 3 en l’espace de dix ans. Sur les 18 hôtels que compte le quartier, 12 sont d’ailleurs qualifiés de « nouveaux » hôtels.
Ces données sur Lower Manhattan évoquent la renaissance d’un quartier dix ans après la destruction des deux tours du WTC, soulignent l’efficacité et la performance de la coordination entre les acteurs en vue de ce renouveau et attestent ainsi des capacités de résilience d’une ville comme New York. La reconstruction de ground zero a certes fait l’objet de nombreux débats entre les différentes parties prenantes -qu’elles soient publiques ou privées- et elle s’est principalement formalisée au sein du LMDC (Lower Manhattan Development Corporation ), l’organisme créé par la ville de New York et l’Etat de New York pour assurer l’exercice de planification et de coordination entre les différents acteurs. Il ne s’agit pas ici de revenir sur les arguments développés par les maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvres et habitants de New York mais plus simplement de mettre en évidence la résilience de New York. Aussi dans un premier temps l’analyse brosse le tableau du nouveau site du WTC en l’inscrivant dans la controverse urbanistique (échelle mondiale) de nine eleven concernant l’avenir des tours et des gratte-ciel. New York a réussi à redonner au gratte-ciel et à la tour leur légitimité alors que de nombreux architectes avaient prédit la fin de l’Age du gratte-ciel. Dans un second temps l’analyse met l’accent sur l’invention ou plutôt la redécouverte de la dimension humaine dans les pratiques de l’aménagement urbain après une période ayant privilégié la voiture. La conclusion en déduit que New York a réussi à faire preuve de résilience et à s’affirmer comme un modèle de l’aménagement urbain du début du 21ème siècle parce que sachant combiner monumentalité du gratte-ciel et valorisation de la figure du piéton dans les espaces urbains.
1- La reconstruction du WTC fondé sur le principe du gratte-ciel
Au lendemain de l’attentat terroriste, nombreux furent les architectes et les critiques d’architecture ayant exprimé des doutes sur l’avenir du gratte-ciel et de la tour dans nos villes modernes. Certains ont prédit la fin de la construction de tours dans une ville comme New York qui fut la première à inaugurer avec Chicago l’ère du gratte-ciel et de la skyline ou dans le monde. Le gratte-ciel était ainsi devenu une figure vulnérable de l’architecture moderne. Or il n’en est rien Ce point de vue qui s’explique aisément en raison de l’émotion suscitée par nine eleven n’a toutefois pas prévalu dans les pratiques. La figure du gratte-ciel a été explicitement réutilisée dans l’aménagement de ground zero : les deux tours ont été remplacées par quatre nouvelles tours dont l’une d’entre elles devra dépasser au moment de son achèvement la hauteur des deux anciennes tours. A l’image de New York, de nombreuses villes mondiales et globales notamment dans les pays émergents continuent de privilégier le gratte-ciel[2]. D’après les revues professionnelles, la décennie qui vient de s’écouler a programmé un grand nombre de tours à construire. D’après le McKinsey Global Institute, la Chine est en train d’en construire un grand nombre à Chongquing, Dalian, Shenyang, Tianjin et Wuhan. Difficile de démontrer l’affiliation entre le choix explicite de New York de privilégier le gratte-ciel dans le cadre de la reconstruction de ground zero et la construction de tours dans les villes à l’échelle mondiale mais cette hypothèse n’est pas complètement étrangère à l’analyse conduite dans cet article.
La reconstruction du WTC dont la conception a été décernée à la suite d’un concours à Daniel Libeskind a redéfini l’aménagement du site qui inclut désormais outre les quatre tours, un mémorial/musée, un jardin et une immense gare routière qui représenteront certainement ensemble la première destination touristique de la ville de New York. La construction du hub de transports qui permet d’avoir un accès direct à l’ensemble des tours du site a été confiée à l’architecte Santiago Calatrava. La tour la plus haute tour du site dénommée One World Trade Centre (One WTC) comprend 80 étages et 104 dans deux ans. Le OneWTC -appelé également Freedom Tower - sera ainsi le plus haut bâtiment de la ville et du pays avec ses 1776 pieds, soit 541 mètres. Le chiffre 1776 qui fait référence à la date d’indépendance des Etats-Unis est largement supérieur à la hauteur des deux tours du WTC qui culminaient respectivement à 527 mètres et 415 mètres. L’Empire State Building –bâtiment achevé en 1931 qui fut pendant longtemps le plus haut bâtiment du monde avec ses 381 mètres- ne sera plus comme il l’a été après nine eleven le plus haut gratte-ciel de New York. La Two WTC (78 étages) livrée en 2015 comportera un quadruple losange au sommet recouvert de miroirs et aura 382 mètres de haut. La Three WTC (70 étages) d’une hauteur de 352 mètres sera livrée en 2014. La Four WTC (71 étages), la plus petite des quatre tours car limitée à 297 mètres sera achevée l’an prochain. Quant au hub de transports, permettant d’avoir accès au réseau de transports et aux quatre tours, il est composé d’acier et de verre de manière à ce que la lumière puisse éclairer jusqu’à 20 mètres en dessous du sol. Il sera ouvert au public en 2014.
Le bâtiment dont le maire de New York, Michael Bloomberg, a exigé l’inauguration lors du dixième anniversaire, est le mémorial. Entouré d’un espace vert et de fontaines, sa conception fort originale met en scène les fondations métalliques des deux tours initiales en les plaçant dans un atrium de verre. Le mémorial intitulé « Reflecting Absence » a été inauguré le 11 septembre 2011 par le président Obama en présence du maire de New York. Le nom des victimes est inscrit sur une plaque de bronze entourant les deux plans d’eau. Le mémorial inclut également un poirier -autrefois inclus dans le World Trade Center- sauvé des décombres avant d’être replanté[3]. Les futurs visiteurs seront également en mesure d’apercevoir le mur de 21 mètres de haut qui aura permis de faire barrage à l’eau du fleuve Hudson au moment de l’attentat. Le site du nouveau WTC dont chacun des étapes de la conception ont intégré toutes les questions de sécurité soulevées par le New York Police Department (NYDP) est susceptible de représenter au moment de son achèvement le « nouveau » centre Rockefeller de New York. Il inclura de nouveaux logements qui d’après la presse américaine font l’objet d’acquisitions par des milliardaires du monde entier, y compris des Chinois.
Tout en reconnaissant la complexité de la tâche de reconstruction du site du WTC ainsi que l’habilité et l’adresse des concepteurs et ouvriers au cours de ces dernières années, l’analyse souligne la volonté de la ville pour maintenir et renforcer l’image du gratte-ciel dans le paysage urbain. Ce positionnement ne fut pas aussi évident qu’il le paraît aujourd’hui dans la mesure où il était dit que les employés comme les résidents ayant compris la vulnérabilité de vivre ou travailler dans des tours refuseraient de s’y installer. Il fut renforcé par tous ceux qui s’appuyaient sur l’argument technologique selon lequel le mobile ainsi que les usages liés à Internet n’exigeaient plus la concentration spatiale des individus. Des écologistes n’ont pas hésité à participer au débat en soulignant combien le gratte-ciel était étranger à la logique du développement durable. Cet argument fort intéressant a ainsi incité les ingénieurs, architectes et l’ensemble des professionnels à améliorer sensiblement la construction du gratte-ciel en vue d’une plus grande efficacité énergétique tout en renforçant la structure du bâtiment et en y incluant des mesures de sécurité (en cas d’incendie et de tremblements de terre). Il a également permis à des futuristes d’imaginer l’avènement de la « ferme verticale » comme une option d’avenir pour faire face à l’urbanisation de l’humanité et la raréfaction des sols cultivés.
Le gratte-ciel, ce symbole de l’architecture moderne et d’une architecture ancrée dans un premier temps dans deux villes américaines, New York et Chicago, est toujours d’actualité. New York a réussi à maintenir le skyline qui fit au début du 20ème siècle l’essence de sa reconnaissance dans le monde entier et continue de revendiquer son originalité. S’il est possible de d’affirmer que la controverse au sujet du gratte-ciel n’a pas vraiment eu d’impact à New York et que cette icône architecturale continue d’incarner le symbole de la ville moderne à New York comme dans le reste du monde, l’aménagement urbain ne s’inscrit plus vraiment dans la continuité de la seconde moitié du 20ème siècle ayant privilégié la voiture et les infrastructures routières. Le maire de la ville Michael Bloomberg qui en est à son troisième mandat a nommé à la tête du département des transports comme à celui de l’urbanisme des personnalités fortes qui sont en train de reconfigurer la ville en plaçant le piéton au centre du dispositif.
2- Le pouvoir politique redessine la ville en privilégiant l’échelle humaine
Tout en entreprenant de grands travaux sur le site du WTC qui ont démontré la capacité d’une ville à faire preuve de résilience et à revaloriser la figure du gratte-ciel -dont l’image avait été sensiblement touchée par nine eleven - New York s’est également lancée dans une politique ambitieuse d’aménagement ou plus exactement de réaménagement urbain. Sous l’impulsion de deux responsables dirigeant respectivement le département des transports et le département d’urbanisme, la ville se donne les moyens de se renouveler tout en prenant pour référence normative l’échelle humaine soit le piéton. Nommées par le maire Michael Bloomberg -dont le premier mandat a débuté en 2002-, les deux directrices ont choisi de reconceptualiser la voirie (usages et fonctions) et de repenser la ville en privilégiant le piéton plutôt que la voiture. La responsable du département des transports, Janette Sadik-Khan, a ainsi présenté en février 2009 son plan « Green light for Midtown » qui se voulait audacieux et ambitieux puisqu’il consiste à libérer une section de Broadway (une avenue parcourant Manhattan du Nord au Sud et extrêmement fréquentée) de l’emprise de la voiture au niveau de Midtown. Tout a été fait pour transformer l’espace qui va de Herald Square à Times Square (au nord) en éliminant la voiture afin de le restituer au piéton. Aussi deux segments de Broadway, l’un allant de la 33ème rue à la 35ème et l’autre de la 42ème à la 47ème sont désormais interdits à la circulation automobile. Ce programme participe d’objectifs clairement affirmés par Sadik-Khan visant à moyen terme la réduction sensible du trafic automobile sur les principales artères de New York afin d’offrir un environnement plus sûr et plus agréable aux piétons tout en favorisant l’émergence de petites places susceptibles d’être par des cafés par exemple.
La phase d’expérimentation de cette nouvelle approche de la voirie réalisée au niveau de Midtown a duré un an et a reçu l’approbation de la majorité des habitants. Aussi le maire a décidé de fermer de manière permanente les deux sections (mentionnées plus haut) de Broadway à la circulation automobile. Les Américains parlent de l’invention d’une zone urbaine interdite à la voiture : « the invention of the car-free zone ». L’argument central de Bloomberg fut avant tout d’ordre sécuritaire. Il s’est appuyé sur des données recueillies durant la phase d’expérimentation démontrant que toute diminution de la circulation automobile à Manhattan se traduit par une sensible réduction du nombre de piétons accidentés. D’après le département des transports de la ville, plus de 356.000 piétons et 50.000 véhicules traversent quotidiennement Times Square, un trafic qui rend ce carrefour particulièrement sensible et dangereux notamment pour les piétons. Le maire a également insisté sur le fait que la fermeture d’une section de Broadway aura également été bénéfique pour le commerce, les touristes et les usagers des théâtres. Mais contrairement aux attentes de Sadik-Khan, la fermeture de Times Square n’aura pas entraîné une diminution du trafic automobile sur l’ensemble de la voirie que ce soit à Midtown ou à Manhattan.
Le plan « Green light for Midtown » s’est en fait appuyé sur quelques expériences antérieures de fermetures de rues à la circulation automobile au cours de l’été : Park Avenue et Lafayette Street ont ainsi été dénommées Summer Streets pour signifier la restriction du trafic automobile. Tout en faisant le constat d’une amélioration certaine du cadre de vie à New York, de nombreux experts et professionnels d’espaces publics urbains souvent réunis en associations comme Project for Public Spaces plébiscitent les initiatives du maire et de la directrice du département des transports. Certains proposent au maire d’aller plus loin et de ne pas se limiter à penser l’espace urbain comme un espace libéré de l’emprise de la voiture et propice à la marche à pied. Ils suggèrent d’utiliser les espaces publics urbains plus efficacement en faisant appel à l’art public ou encore à des représentations théâtrales. En d’autres termes il s’agit de rendre l’expérience du piéton –libéré de toute rivalité avec la voiture- plus riche et plus intéressante. L’opération menée par Sadik-Khan n’a toutefois pas séduit les responsables des entreprises localisées autour de Times Square : ils reconnaissent certes l’amélioration d’un cadre de vie au profit du piéton et du touriste mais se demandent si la « pédestrianisation » du quartier s’avèrera performante sur le long terme. D’où une sérieuse vigilance de la part de ces dirigeants à l’heure où les médias et les habitants vantent les qualités de Times Square qualifiée de pedestrian plaza[4].
Suite aux récentes décisions du maire, le débat actuel est à présent principalement centré sur les modalités d’un réaménagement de Times Square de manière à faire de la section de Broadway allant de la 42ème rue à la 47ème rue un espace homogène, continu et doté de qualités esthétiques pour le piéton tout en y inscrivant du mobilier urbain (bancs, panneaux d’affichages). Cette tâche consiste à prendre en compte aussi bien les piétons traversant Times Square à la sortie des bureaux que les touristes et les flâneurs. Pour les services de la ville de New York, il s’agit également de profiter de cette phase de réaménagement qui vise à redessiner Times Square pour moderniser les réseaux souterrains et prendre en compte les risques liés au changement climatique. Utile de préciser que l’opération Times Square dirigée par Janette Sadik-Khan s’avère complémentaire d’un autre programme PlaNYC qui propose de doter la ville de nouveaux espaces verts et de planter plus d’un million d’arbres avec l’objectif de réduire son empreinte écologique. On parle d’une politique qui cherche à verdir la ville (greening the city). Aussi si en 2009 au moment du lancement du programme « Green Light for Midtown » qui se voulait un moyen de partager les espaces publics urbains entre piétons, automobilistes et cyclistes, certains ont annoncé une « bataille de rues », ce slogan n’est plus vraiment d’actualité[5]. Entre 2006 et 2009 la ville de New York a ajouté 180 miles de pistes cyclables[6]. Le choix en faveur de la bicyclette fut aussitôt qualifié d’attitude « élitiste » dans la mesure où peu d’habitants de New York ont accès à une bicyclette faute place pour la ranger à leur domicile. Mme Sadik-Khan a aussitôt répondu que son programme correspondait bien à la période de transition (pour ne pas dire crise) que nous vivons où tout doit être fait pour permettre aux habitants de marcher librement dans la ville et utiliser autant que possible les transports en commun[7].
En dépit de critiques à l’égard du choix explicite en faveur du piéton autour de Times Square (Midtown), peu de gens sont en mesure de qualifier la politique menée par Janette Sadik-Khan d’échec. Certains comparent l’aménagement de cette future esplanade piétonne de Times Square d’équivalent pour le 21ème siècle de ce que fut Central Park au 19ème siècle[8]. D’autres estimant que les mesures prises jusqu’ici ne sont pas en mesure de réduire sérieusement la circulation automobile dans Manhattan, se demandent s’il ne faut pas se résoudre à interdire in fine toute circulation sur Broadway sans se limiter au seul secteur de Times Square. Ce programme de la directrice du département des transports qui participe d’une volonté d’insuffler une animation urbaine en privilégiant des modes doux de transports comme la marche à pied et la bicyclette converge avec l’action menée par la directrice du département d’aménagement urbain, Amanda Burden, également nommée par le maire dès son premier mandat. C’est à elle qu’est revenue la tâche de revoir l’ensemble du plan de zonage de la ville, opération qui a consisté à réétudier le coefficient d’occupation des sols (COS) de chacune des parcelles de terrain des 5 boroughs de la ville de manière à permettre une certaine densification du tissu urbain, notamment le long de certains axes de transports tout en préservant la forme urbaine traditionnelle d’anciens quartiers. Utile de préciser que la densification du tissu urbain qui a priori s’inscrit dans la perspective du développement durable concerne directement les promoteurs immobiliers.
Aussi Mme Burden qui est également présidente de la commission de planification, ce qui bien entendu lui donne plus de pouvoir au moment de la décision en faveur de grands projets urbains, a la responsabilité de revoir toutes les demandes de permis de construire avant d’être soumis à la commission. Consciente de la valeur ajoutée que peut représenter tout projet immobilier pour les espaces publics urbains, elle a choisi de porter une attention particulière aux trois premiers niveaux et aux derniers de tout bâtiment. Elle est très attentive à la manière dont l’architecte dessine le contact entre la façade du bâtiment et la rue et à la manière dont le bâtiment rencontre le ciel (how the building meets the sky). Elle suggère par ailleurs aux promoteurs d’inclure du végétal (arbre, plantes) dans toute opération immobilière en ne se limitant pas uniquement au niveau de la rue. Pour toutes les raisons évoquées, elle est perçue comme une personne extrêmement minutieuse qui a de plus eu l’audace d’accepter la révision du plan de zonage, une tâche qui n’avait pas été menée depuis 1961.
Outre les responsabilités qui lui ont été confiées par le maire, Mme Burden est reconnue pour la qualité des relations qu’elle entretient avec les habitants au travers notamment des associations. Son rôle est ainsi qualifiée d’incontournable dans la création et l’aménagement de la High Line , une opération menée à l’initiative d’une association d’habitants en vue de la reconversion d’une ancienne voie ferrée tombée en désuétude depuis plusieurs décennies dans le quartier de Chelsea à l’ouest de Manhattan. L’initiative revient certes à « Friends of the High Line » qui désormais co-gère avec la ville cette promenade plantée qui a réussi à régénérer l’ensemble du quartier. Inaugurée en 2009, la première section de la High Line - de la rue Gansevoort Street à la 20ème rue- avait reçu plus de 2 millions de visiteurs en l’espace d’un an. La seconde section -de la 20ème à la 30ème rue- a été achevée au printemps 2011 et une troisième section, dépassant la 30ème rue est en cours d’étude. La High Line qui est ouverte tous les jours au public de 7heures à 23H attire de nombreux visiteurs et d’après certaines estimations, le réaménagement de cet ancien viaduc et sa transformation en un espace public urbain aurait généré plus de 2 millions de dollars sous formes d’investissements directs et indirects dans le quartier. Les fondateurs de « Friends of the High Line » sont extrêmement reconnaissants à l’égard du maire et de la directrice du département d’urbanisme et approuvent leur habilité et leur subtilité pour saisir les externalités positives d’une opération visant à réutiliser un viaduc pour en faire un jardin et une promenade. La réhabilitation d’un ancien viaduc (la High Line) a permis de redynamiser un quartier, un fait qui s’est d’ailleurs traduit par une hausse des valeurs foncières du secteur alors que l’accès et la desserte en transports en commun ne se sont pas vraiment améliorés.
Encadré
New York, ville, 8.175.000 habitants en 2010 représente 2,6% de la population des Etats-Unis. Les Blancs représentent 33,3%, les Africains-Américains 22%, les Asiatiques 12,6% et les Hispaniques 28,6%.
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Conclusion
New York, « la championne des villes » ?
L’article ne s’est pas limité à évoquer l’historique de la reconstruction de « ground zero » suite aux attentats terroristes et a choisi de rendre compte de la résilience d’une ville au travers des principes qui ont guidé la reconstruction du WTC et l’urbanisme pour l’ensemble de la ville. Il a mis en évidence la dynamique de l’aménagement urbain à New York en ce début de 21ème siècle et s’interroge sur l’émergence d’un urbanisme de l’après-11 septembre. New York a réussi à revaloriser la figure du gratte-ciel et de la tour dans la grande ville alors que les attentats meurtriers avaient suscité beaucoup de doute sur leur survie. New York s’est réappropriée le principe d’une skyline qu’elle avait inventée il y a plus d’un siècle et a en quelque sorte renoué avec son histoire. Plus important, New York a choisi de conduire une politique urbaine visant la réinsertion de l’échelle humaine dans un urbanisme jusqu’ici principalement pensé en termes de réseaux techniques et de monumentalité. Cette esquisse permet d’affirmer à la suite de l’ancien conseiller du président Clinton (Robert Malley) que « dans le vaste horizon de l’histoire, le 11 septembre ne jouira pas d’une place plus influente qu’une note -ensanglantée et tragique, certes-, mais néanmoins reléguée là où elle se doit. En bas de page »[9]. Les attentats terroristes n’ont pas réussi à porter atteinte à la construction de tours à New York comme dans de nombreuses villes de par le monde et ils ont probablement facilité la réinvention de la dimension humaine dans le dessin de la ville et des espaces publics urbains.
Amanda Burden (directrice de l’aménagement urbain) ainsi que Janette Sadik-khan (directrice de la voirie et des transports) sont fières de participer à la renaissance de la ville de New York et n’hésitent pas dire combien elles s’intéressent aux autres villes du monde pour aller jusqu’à s’en inspirer. Le parc de loisirs de Cosney Island a été retravaillé après une visite aux jardins de Tivoli de Copenhague, l’aménagement des pistes cyclables a pris pour modèle Copenhague et celui de la High Line du réaménagement du viaduc situé à Paris à l’est de l’Opéra de la Bastille . New York réussit désormais à combiner de manière cohérente l’élégance et la grandeur de hautes tours avec un travail minutieux visant à redonner sa place au piéton et à valoriser les espaces publics urbains. Cette volonté d’une prise en compte explicite de l’échelle humaine dans la ville cherche à transformer la marche à pied et le cadre urbain en une expérience riche, intéressante et inattendue. Au terme de ce parcours il n’est pas difficile de décerner -dix ans après l’attentat terroriste- le titre de « championne des villes » à New York pour avoir fait preuve de résilience et réussit à réinventer et réenchanter l’urbanisme[10].
Cynthia Ghorra-Gobin, géographe et américaniste est directeur de recherche au CNRS et est rattachée au Creda (centre de recherche et de documentation sur les Amériques).
[1]. L’ensemble des données économiques et démographiques provient de Downtown Alliance, l’association des commerçants et des entrepreneurs de Lower Manhattan dont le territoire s’étend de City Hall à Battery et de l’East River à West Street. Consulter : www.DowntownNY.com
[2] . Voir C. Ghorra-Gobin, « Métropoles, les vitrines du business mondial », Atlas des mondialisations, Le Monde/La Vie Hors série, 2010.
[3] . La plupart des quotidiens français ont fait un dossier
[4] . Certains médias notent que l’idée de transformer Times Square en privilégiant le piéton avait déjà été évoquée dans les années 1970 par le maire John Lindsay et que Michael Bloomberg aurait réussi à la mettre en œuvre.
[5] . Pour lancer la bicyclette à New York, Sadik-Khan a établi un parallèle avec le golf, « Biking is the new golf ». Voir notamment l’article de Michael Crowley « Honk, Honk, Aah », New York Times, 17 Mai 2009.
[6] . idem .
[7] . idem.
[8] . Voir le blog d’Allan Erps et notamment l’article publié le 27 septembre 2011, « City reveals plan for permanent redesign of Times Square plazas ».
[9]. Robert Malley, « Ce que le 11-Septembre a changé », Le Monde, 11/12 septembre p.15.
[10] . Le choix de cet intitulé “championne des villes” s’inspire du tire de l’article du Wall Street Journal (23 juin 2011) « Champion of Cities » rédigé par Meryl Gordon qui fait l’éloge de la directrice de l’urbanisme de New York.
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