Thomas Jefferson, Président francophile
Thomas Jefferson, le Président francophile Historia, novembre 2008
Born in 1971 in Orléans (France), Cécile Maisonneuve is responsible for preparing Anne Lauvergeon’s, CEO of AREVA, international meetings, missions and speeches, as well as for coordinating AREVA’s strategy on think tanks. She is graduated from the French Ecole Normale Supérieure (1991) and Paris Institute of Political studies (1994). She holds a master in History from the Sorbonne (1995). Cécile Maisonneuve began her career in 1997 in the French National Assembly as a staffer. After five years in the staff of the Defense Committee, where she was in charge of strategic and nuclear issues, she joined the staff of the Law Committee where she followed the business law and corporate governance related issues during two years. She then worked three years for the Foreign Affair Committee, following strategic matters. Former International Visitor (2001) to the USA, she is the author of essays on non-proliferation issues for the French Fondation pour la recherche stratégique and the Center for Strategic and International Studies (CSIS). She wrote a biography of Benjamin Franklin (Perrin, Paris, 2008).
De prime abord, tout oppose Thomas Jefferson et Benjamin Franklin, de trente-sept ans son aîné. Le premier est issu du milieu aristocratique des planteurs de Virginie quand le second est un parfait self made man, né d’émigrants anglais sans le sou. Le père de Jefferson possède des terres et des esclaves, le second est fabricant de savon. Le premier, grand propriétaire terrien, resta fondamentalement attaché aux grands espaces et à la campagne ; le second fut un citadin toute sa vie – Boston, Philadelphie, Londres, Paris. L’un est un érudit formé aux humanités classiques à l’instar des élites européennes de l’époque. ; l’autre s’est instruit seul ou presque, à force de volonté et de discipline, contraint de quitter l’école élémentaire où il excellait pourtant.
Tout les oppose mais l’essentiel les rapproche : leur passion pour la France, les livres et la liberté. Deux domaines dans lesquels ils trouveront matière à réflexion et à action lorsqu’ils vécurent à Paris, où Thomas Jefferson arriva comme ambassadeur des Etats-Unis en 1784, une année avant que son illustre prédécesseur n’en parte. En dépit de leur différence d’âge, les deux hommes surent nouer une solide amitié dès le Congrès de Philadelphie en 1776. Jefferson est là lorsqu’il s’agit de répondre aux jugements méprisants de l’abbé Raynal sur ce qui est encore l’Amérique coloniale, en 1774 : « Pour ce qui est de la physique, nous avons produit un Franklin dont on peut dire que nul plus que lui n’a fait de plus importantes découvertes et n’a davantage contribué à la philosophie ou proposé de plus ingénieuses explications aux phénomènes naturels ».
Une francophilie tous azimuts
Si Benjamin Franklin s’imprégna sur le tard de la culture française, Thomas Jefferson plonge dès son jeune âge dans la culture classique qui représente l’alpha et l’omega de la formation des élites européennes. Il commence le latin et le grec dès l’âge de neuf ans. Il s’essaie également au français, avec Les aventures de Télémaque de Fénelon, qui est aux jeunes aristocrates de l’époque ce que sera le Tour de la France par deux enfants aux écoliers de la Troisième République. Cet apprentissage du français se poursuit tout au long de ses années de formation. Même au College William and Mary de Williamsburg, où, quinze heures par jour, il étudie la philosophie et les mathématiques, il continue de perfectionner son français.
Jeune, Jefferson semble avoir peu lu les philosophes français, au contraire des empiristes anglais. Par la suite, ce bâtisseur de la démocratie américaine sera un des plus grands lecteurs de Montesquieu outre-Atlantique. Sa théorie sur l’équilibre des pouvoirs ou sur le respect des corps intermédiaires l’inspirera profondément. En revanche, il se méfie de l’idéalisme abstrait d’un Rousseau. Sa réputation de constitutionnaliste est telle que, par l’intermédiaire de La Fayette, il conseillera activement les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en 1789, treize ans après avoir été le rédacteur de la Déclaration d’indépendance américaine.
Au-delà des auteurs français, Jefferson sera un inlassable défenseur du rayonnement artistique et culturel de la France. Notamment, l’architecture figurant, comme l’horticulture, la diplomatie ou la littérature, au nombre de ses talents, il sera un promoteur du style classique à la française aux Etats-Unis. C’est lui qui Jefferson dessine les plans de la Chambre des représentants de l’Etat de Virginie en référence à la Maison Carrée à Nîmes, qu’il découvre lors de son périple dans les provinces françaises en 1787.
Ce grand propriétaire terrien se passionne aussi pour les méthodes modernes d’agriculture. Lorsqu’il sillonne la Bourgogne et la Provence en 1787, il ne se lasse pas d’aller observer les paysans et de leur poser de multiples questions sur leurs pratiques. La culture des oliviers autour d’Aix-en-Provence lui inspirera un article pour la société d’agronomie de Caroline du Sud.
Sans compter qu’à l’instar de Benjamin Franklin, Thomas Jefferson est un gourmet. A Nice, il se régale de sardines, d’anchois et d’ortolans. Il va jusqu’à faire donner des cours de cuisine française à ses deux esclaves. Il élabore une classification des Bordeaux, qui sera largement reprise dans celle, toujours en vigueur, de 1855.
Jefferson en France : les découvertes d’un Américain francophile
Succéder à Benjamin Franklin comme ambassadeur à Paris n’est pas une mince affaire. Jefferson en est pleinement conscient. On connaît la réplique célèbre du Virginien à Louis XVI qui l’aborda par un « C’est vous, Monsieur, qui remplacez le Docteur Franklin ? » et s’entendit répondre « Personne ne peut le remplacer, je ne suis que son successeur ».
Et pourtant Jefferson, inconnu des Français, parvint, durant les cinq années de son séjour parisien, à tisser un réseau dense d’amitiés franco-américaines. Il fréquente l’élite intellectuelle du temps. On le voit ainsi se délecter de la conversation de Madame de Staël, de Condorcet ou de Buffon, qu’il visite au Jardin des plantes. Il propose Lavoisier comme membre de l’American Philosophical Society de Philadelphie, d’ailleurs fondée par Franklin.
Mais ce qui unit avant tout Jefferson à la France, et notamment à Paris, ce sont les livres. A peine a-t-il débarqué dans la capitale française qu’il se précipite chez Benjamin Franklin. Sans doute les deux hommes ne manquent-t-ils pas de s’entretenir des sujets diplomatiques et politiques que Jefferson va devoir reprendre à sa charge, mais, très vite, la conversation dérive sur les livres. Jefferson est ébloui par la magnifique bibliothèque que s’est constituée Franklin en près d’une décennie parisienne et se promet de faire de même.
« Lorsque je séjournais à Paris », écrit-il dans une de ses lettres, « je consacrais chaque après-midi où je n’avais pas d’engagements, pendant un été ou deux, à regarder de près toutes les plus grandes librairies, prenant un à un de mes propres mains chaque livre et mettant de côté tout ce qui avait trait à l’Amérique et tout ce qui était rare et de valeur dans le domaine scientifique ». De fait, la passion de Jefferson pour les livres oscille entre le goût de la lecture et la bibliophilie et il aime à sentir le contact matériel du papier et des reliures chez les bouquinistes du Quai des Grands Augustins dont il devient un habitué.
Si Jefferson sillonne les rues de Paris, il semble curieusement aveugle à la crise profonde qui mine la société pré-révolutionnaire. Est-ce sa francophilie qui le rend aveugle à la misère du peuple ? Toujours est-il qu’il n’en fait pas mention. Et lorsqu’éclatent les troubles révolutionnaires, il se pose en observateur neutre, même s’il accepte, en plus de conseiller les rédacteurs de la Déclaration de 1789, d’être l’hôte de La Fayette et de ses amis libéraux à l’hôtel de Langeac, sans grand enthousiasme d’ailleurs. Jefferson, comme ses contemporains, aime la liberté du peuple, mais pas la foule et ses débordements.
Si les excès de la France révolutionnaire déplaît à la jeune nation américaine, Jefferson, devenu Président des Etats-Unis, n’en joue pas moins la carte française et pèse de tout son poids pour la reconnaissance de la République française en 1793. Sa francophilie perdurera toute sa vie, même s’il saura toujours faire la part des choses entre son cœur et la défense des intérêts de son pays, comme l’illustrera l’achat de la Louisiane à la France, qu’elle cèdera pour une somme dérisoire au terme d’une négociation magistralement menée par Jefferson.
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